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  1. La Constitution civile du clergé
  2. Les réactions face à ce texte
  3. Les explications de Mgr Valdrini
  4. Loi sur la déportation des prêtres insermentés
  5. Histoire du Serment de Paris

1. La Constitution civile du clergé

L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité ecclésiastique a décrété et décrète ce qui suit comme articles constitutionnels.

TITRE 1er — Des OFFICES ECCLESIASTIQUES

Article 1 — Chaque département formera un seul diocèse, et chaque diocèse aura la même étendue et les mêmes limites que le département.

Article 2 — Les sièges des évêchés des quatre-vingt trois départements du royaume seront fixés, savoir :  Celui du département de la Seine-inférieure, à Rouen; du Calvados, à Bayeux: de la Manche, à Coutances; de l’Orne à Seez; de l’Eure à Evreux; de l’Oise, à Beauvais; de la Somme à Amiens; du Pas-de-Calais, à Saint-Omer; de la Marne, à Reims; de la Meuse à Verdun, de la Meurthe à Nancy; de la Moselle à Metz; des Ardennes à Sedan; de l’Aises à Soissons; du Nord, à Cambrai; du Doubs, à Besançon; du Haut-Rhin, à Colmar; du Bas-Rhin, à Strasbourg; des Vosges à Saint-Diez; de la Haute-Saône, à Vesoul; de la Haute-Marne, à Langres; de la  Côte-d’Or, à Dijon; du Jura, à Saint-Claude; d’Ille-et-Vilaine, à Rennes; des Côtes-du-Nord, à Saint-Brieuc; du Finistère à Quimper; du Morbihan à Vannes; de la Loire-Inférieure, à Nantes; de Maine-et-Loire, à Angers; de la Sarthe au Mans; de la Mayenne à Laval; de Paris, à Paris; de Seine-et-Oise, à Versailles; d’Eure-et-Loir, à Chartres; du Loiret, à Orléans; de l’Yonne, à Sens; de l’Aube, à Troyes; de Seine-et-Marne, à Meaux; du Cher, à Bourges; du Loir-et-Cher, à Blois; d’Indre-et-Loire, à Tours; de la Vienne, à Poitiers; de l’Indre, à Châteauroux; de la Creuse, à Guéret; e l’Allier, à Moulins; de la Nièvre, à Nevers; de la Gironde, à Bordeaux; de la Vendée, à Luçon; de la Charente-Inférieure, à Saintes; des Landes, à Dax; de Lot-et-Garonne, à Agen; de la Dordogne, à Périgueux; de la Corrèze, à Tulle; de la Haute-Vienne à Limoges; de la Charente, à Angoulème; des Deux-Sèvres,  Saint-Maixent; de la Haute-Garonne, à Toulouse; du Gers, à Auch; des Basses-Pyrénées, à Oléron; des Hautes-Pyrénées, à Tarbes; de l’Ariège, à Pamiers; des Pyrénées-Orientales à Perpignan; de l’Aude, à Narbonne; de l’Aveyron, à Rodez; du Lot, à Cahors; du Tarn, à Alby; des Bouches-du-Rhône, à Aix; de Corse, à Bastia; du Var à Fréjus; des Basses-Alpes, à Digne; des Hautes-Alpes, à Embrun; de la Drôme, à Valence; de la Lozère à Mende; du Gard, à Nîmes; de l’Hérault, à Béziers; de Rhône-et-Loire, à Lyon; du Puy-de-Dôme, à Clermont; du Cantal, à Saint-Flour; de la Haute-Loire, au Puy; de l’Ardèche, à Viviers; de l’Isère, à Grenoble; de l’Ain, à Belley; de Saône-et-Loire, à Autun.
Tous les autres évêchés existants dans les quatre-vingt-trois départements du royaume et qui ne seraient pas nommément compris au présent article sont et demeurent supprimés.
Le Royaume sera divisé en dix arrondissements métropolitains, dont les sièges seront : Rouen, Reims, Besançon, Rennes, Paris, Bourges, Bordeaux, Toulouse, Aix et Lyon. Les métropoles auront la dénomination suivante :
Celle de Rouen sera appelée métropole des Côtes de la Manche, celle de Reims, métropole du Nord-est , celle de Rennes, métropole du Nord-ouest, celle de Paris, métropole de Paris, celle de Bourges, métropole du Centre, celle de Bordeaux, métropole du Sud-ouest, celle de Toulouse, métropole du Sud, celle d’Aix, métropole des Côtes de la Méditerranée, celle de Lyon métropole du Sud-est.

Article 3 — L’arrondissement de la métropole des Côtes de la Manche, comprendra les évêchés des départements de la Seine-Inférieure, du Calvados, de la Manche, de l’Orne, de l’Eure, de l’Oise, de la Somme, du Pas-de-Calais.
L’arrondissement de la métropole du Nord-est, comprendra les évêchés des département de la Marne, de la Meuse, de la  Meurette, de la Moselle, des Ardennes, de l’Aines, du Nord.
L’arrondissement de la métropole de l’Est comprendra les évêchés des départements du Doubs, du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, des Vosges, de la Haute-Saône, de la Haute-Marne, de la Côte-d’Or, du Jura.
L’arrondissement de la métropole du Nord-ouest comprendra les évêchés des départements d’Ille-et-Vilaine, des Côtes-du-Nord, du Finistère, du Morbihan, de la Loire-Inférieure, de Maine-et-Loire, de la Sarthe, de la Mayenne.
L’arrondissement de la métropole de Paris comprendra les évêchés des départements de Paris, de Seine-et-Oise d’Eure-et-Loir, du Loiret, de l’Yonne, de l’Aube,  Seine-et-Marne.
L’arrondissement de la métropole du Centre comprendra les évêchés des départements du Cher, du Loir-et-Cher, d’Indre-et-Loire, de la Vienne, de l’Indre, de la Creuse, de l’Allier, de la Nièvre.
L’arrondissement de la métropole du Sud-ouest, comprendra les évêchés des départements de la Gironde, de la Vendée, de la Charente-Inférieure, des Landes, de Lot-et-Garonne, de la Dordogne, de la Corrèze, de la Haute-Vienne, de la Charente, des Deux-Sèvres.
L’arrondissement de la métropole du sud, comprendra les évêchés des départements de la Haute-Garonne, du Gers, des Basses-Pyrenées, des hautes Pyrénées, de l’Ariège, des Pyrénées-Orientales, de l’Aude, de l’Aveyron, du Lot, du Tarn.
L’arrondissement de la métropole des Côtes de la Méditerranée, comprendra les évêchés des départements des Bouches-du-Rhône, de la Corse, du Var, des Basses-Alpes, des Hautes-Alpes, de la Drôme, de la Lozère, du Gard et de l’Hérault.
L’arrondissement de la métropole du Sud-est comprendra les évêchés des départements de Rhône-et-Loire, du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Haute-Loire, de l’Ardèche, de l’Isère, de l’Ain, de Saône-et-Loire.

Article 4 — Il est défendu à toute église ou paroisse de France, et à tout citoyen français en aucun cas et sous quelque prétexte que ce soit, de reconnaître l’autorité d’un évêque ordinaire ou métropolitain, dont le siège serait établi sous la dénomination d’une puissance étrangère, ni celle de ses délégués résidant en France ou ailleurs; le tout sans préjudice de l’unité de foi et de la communion qui sera entretenu avec le chef visible de l’église universelle, ainsi qu’il sera dit ci-après.

Article 5 — Lorsque l’évêque diocésain aura prononcé dans son synode sur des matières de sa compétence, il y aura lieu au recours au métropolitain, lequel prononcera dans le synode métropolitain.

Article 6 — Il sera procédé incessamment, et sur l’avis de l’évêque diocésain et de l’administration dus districts, à une nouvelle formation et circonscription de toutes les paroisses du royaume; le nombre et l’étendue en seront déterminés d’après les règles qui vont être établies.

Article 7 — L’église cathédrale de chaque diocèse sera ramenée à son état primitif, d’être en même temps église paroissiale et église épiscopale, par la suppression des paroisses et le démembrement des habitations qu’il sera convenable d’y réunir.

Article 8 — La paroisse épiscopale n’aura pas d’autre pasteur immédiat que l’évêque. Tous les prêtres qui y seront établis seront ses vicaires et en feront les fonctions.

Article 9 — Il y aura seize vicaires de l’église cathédrale dans les villes qui comprendront plus de dix mille âmes, et douze seulement où la population sera au dessous de dix mille âmes.

Article 10 —  Il sera conservé ou établi dans chaque diocèse un seul séminaire pour la préparation aux ordres, sans entendre rien préjuger, quant à présent, sur les autres maisons d’instruction et d’éducation.

Article 11 — Le séminaire sera établi, autant que faire se pourra, près de l’église cathédrale, et même dans l’enceinte des bâtiments destinés à l’habitation de l’évêque.

Article 12 — Pour la conduite de l’instruction des jeunes élèves reçus dans le séminaire, il y aura un vicaire supérieur et trois vicaires directeurs subordonnés à l’évêque.

Article 13 — Les vicaires supérieurs et vicaires directeurs sont tenus d’assister, avec les jeunes ecclésiastiques du séminaire à tous les offices de la paroisse cathédrale et d’y faire toutes les fonctions dont l’évêque ou son premier vicaire jugera à propos de les charger.

Article 14 — Les vicaires des églises cathédrales, les vicaires supérieurs et vicaires supérieurs et vicaires directeurs du séminaire, formeront ensemble le conseil habituel et permanent de l’évêque, qui ne pourra faire aucun acte de juridiction, en ce qui concerne le gouvernement du diocèse et du séminaire, qu’après en avoir délibéré avec eux. Pourra néanmoins l’évêque, dans le cours de ses visites, rendre seul telles ordonnances provisoires qu’il appartiendra.

Article 15 — Dans toutes les villes et bourgs qui ne comprendront pas plus de dix mille âmes, il n’y aura qu’une seule paroisse; les autres paroisses seront supprimées et réunies à l’église principale.

Article 16 — Dans les villes où il y a plus de dix mille âmes, chaque paroisse pourra comprendre un plus grand nombre de paroissiens, et il en sera conservé ou établi autant que les besoins des peuples et les localités le demanderont.

Article 17 — Les assemblées administratives, de concert avec l’évêque diocésain, désigneront à la prochaine législature les paroisses, annexes ou succursales des villes ou de campagne qu’il conviendra de réserver ou d’étendre, d’établir ou de supprimer; et ils en indiqueront les arrondissements d’après ce que demanderont les besoins des peuples, la dignité du culte et les différentes localités.

Article 18 — Les assemblées administratives et l’évêque diocésain pourront même, après avoir arrêté entre eux la suppression et réunion d’une paroisse, convenir que, dans les lieux écartés ou qui, pendant une partie de l’années, ne communiqueraient que difficilement avec l’église paroissiale, il sera établi ou conservé une chapelle où le curé enverra, les jours de fête ou de dimanche, un vicaire pour y dire la messe et faire au peuple les instructions nécessaires.

Article 19 — La réunion qui pourra se faire d’une paroisse à une autre, emportera toujours la réunion des biens de la fabrique de l’église supprimée à la fabrique de l’église où se fera la réunion.

Article 20 — Tous titres et offices, autres que ceux mentionnés en la présente constitution, les dignités, canonicats, prébendes, demi-prébendes, chapelles, chapellenies, tant des églises cathédrales que des églises collégiales, et tous chapitres réguliers et séculiers de l’un et de l’autre sexe, des abbayes et prieurés en règles ou en commende, aussi de l’un et de l’autre sexe, et tous autres bénéfices et prestimonies généralement quelconques, de quelque nature et sous quelque dénomination que ce soit, sont, à compter du jour de la publication du présent décret, éteints et supprimés, sans qu’il puisse jamais en être établi de semblables.

Article 21 — Tous les bénéfices en patronage laïque sont soumis à toutes les dispositions des décrets concernant les bénéfices de pleine collation ou de patronage ecclésiastique.

Article 22 — Sont pareillement compris aux dites dispositions tous titres et fondations de pleine collation laïcale, excepté les chapelles actuellement desservies dans l’enceinte des maisons particulières, par un chapelain ou desservant à la seule disposition du propriétaire.

Article 23 — Le contenu dans les articles précédents aura lieu, nonobstant toutes clause, même de réversion, apposées dans les actes de fondation.

Article 24 — Les fondations de messes et autres services, acquittés présentement dans les églises paroissiales par les curés et par les prêtres qui y sont attachés sans être pourvus de leurs places au titre perpétuel de bénéfice continueront provisoirement à être acquittées et payées comme par le passé; sans néanmoins que, dans les églises où il est établi des sociétés de prêtres non pourvus en titre perpétuel de bénéfice, et connus sous les divers noms de filleuls agrégés, familiers, communalistes, mipartistes, chapelain ou autres, ceux d’entre eux qui viendront à mourir ou à se remplacer puissent être remplacés.

Article 25 — Les fondations faites pour subvenir à l’éducations des parents des fondateurs, continueront à être exécutées conformément aux dispositions écrites dans les titres de fondation; et à l’égard de toutes autres fondations pieuses, les parties intéressées présenteront leurs mémoires aux assemblées de département, pour, sur leur avis et celui de l’évêque diocésain, être statué par le Corps-Législatifs sur leur conservation ou leur remplacement;

TITRE II — NOMINATION AUX BENEFICES

Article 1 — A compter du jour de la publication du présent décret, on ne connaîtra qu’une seule manière de pourvoir aux évêchés et aux cures, c’est à savoir la forme des élections.

Article 2 — Toutes les élections se feront par la voie du scrutin et à la pluralité absolue des suffrages.

Article 3 — L’élection des évêques se fera dans la forme prescrite et par le corps électoral indiqué dans le décret du 22 décembre 1789 pour la nomination  des membres de l’assemblée de département.

Article 4 — Sur la première nouvelle que le procureur-général-syndic du département recevra de la vacance du siège épiscopal, par mort, démission ou autrement, il en donnera avis aux procureurs-syndics des districts, à l’effet par eux de convoquer les électeurs qui auront procédés à la dernière nominations des membres de l’assemblées administrative; et en même temps, il indiquera le jour où devra se faire l’élection de l’évêque, lequel sera, au plus tard le troisième dimanche après la lettre d’avis qu’il écrira.

Article 5 — Si la vacance du siège épiscopal arrivait dans les quatre derniers mois de l’année où doit se faire l’élection des membres de l’administration du département, l’élection de l’évêque serait différée et renvoyée à la prochaine assemblée des électeurs.

Article 6 — L’élection de l’évêque ne pourra se faire ou être commencée qu’un jour de dimanche dans l’église principale du chef-lieu de département, à l’issue de la messe paroissiale, à laquelle seront tenus d’assister tous les électeurs.

Article 7 — Pour être éligible à un évêché, il sera nécessaire d’avoir rempli, au moins pendant quinze ans, les fonctions du ministère ecclésiastique dans le diocèse en qualité de curé, de desservant ou de vicaire, ou comme vicaire supérieur, ou comme vicaire directeur de séminaire.

Article 8 — Les évêques dont les sièges sont supprimés par le présent décret, pourront être élus aux évêchés actuellement vacants, ainsi qu’à ceux qui vaqueront par la suite, ou qui sont érigés en quelques départements, encore qu’ils n’eussent pas quinze années d’exercice.

Article 9 — Les curés et autres ecclésiastiques qui, par l’effet de la nouvelle circonscription des diocèses se trouveront dans un diocèse différent de celui où ils exerçaient leurs fonctions, seront réputés les avoir exercées dans le nouveau diocèse, et ils y seront, en conséquence, éligibles, pourvu qu’ils aient d’ailleurs le temps d’exercice ci-devant exigé.

Article 10 — Pourront aussi être élus les curés actuels qui auraient dix années d’exercice dans une cure du diocèse, encore qu’ils n’eussent pas auparavant rempli les fonctions de vicaire.

Article 11 — Il en sera de même des curés dont les paroisses auraient été supprimées en vertu du présent décret, et il leur sera compté comme temps d’exercice celui qui se sera écoulé depuis la suppression de leur cure.

Article 12 — Les missionnaires, les vicaires-généraux des évêques, les ecclésiastiques desservant les hôpitaux, ou charges de l’éducation publique, seront pareillement éligibles, lorsqu’ils auront rempli leurs fonctions pendant quinze ans, à compter de leur promotion au sacerdoce.

Article 13 — Seront pareillement éligibles tous dignitaires, chanoines ou en général tous bénéficiers et titulaires qui étaient obligés à résidence, ou exerçaient des fonctions ecclésiastiques, et dont les bénéfices, titres, offices ou emplois se trouvent supprimés par le présent décret, lorsqu’ils auront quinze années d’exercice, comptés comme il est dit des curés dans l’article précédent

Article 14 — La proclamation de l’élu se fera par le président de l’assemblée électorale, dans l’église où l’élection aura été faite, en présence du peuple et du clergé, et avant de commencer la messe solennelle qui sera célébrée à cet effet.

Article 15 — Le procès-verbal de l’élection et de la proclamation sera envoyé au Roi par le président de l’assemblée des électeurs, pour donner à Sa Majesté connaissance du choix qui aura été fait.

Article 16 — Au plus tard dans le mois qui suivra son élection, celui qui aura été élu à un évêché se présentera en personne à son évêque métropolitain, et s’il est élu au siège de la métropole au plus ancien évêque de l’arrondissement, avec le procès-verbal d’élection et de proclamation, et il le suppliera de lui accorder la confirmation canonique.

Article 17 — Le métropolitain ou l’ancien évêque aura la faculté d’examiner l’élu en présence de son conseil, sur sa doctrine et ses mœurs : s’il le juge capable, il lui donnera l’institution canonique ; s’il croit devoir la lui refuser, les causes de ce refus seront données par écrit, signées du métropolite et de sont conseil, sauf au parties intéressées à se pourvoir par voie d’appel comme d’abus, ainsi qu’il sera dit ci-après.

Article 18 — L’évêque à qui la confirmation sera demandée, ne pourra exiger de l’élu d’autre serment, sinon qu’il fait profession de la religion apostolique et romaine.

Article 19 — Le nouvel évêque ne pourra s’adresser au Pape pour en obtenir aucune confirmation, mais il lui écrira comme au chef visible de l’Eglise universelle, en témoignage de l’unité de foi et de communion qu’il doit entretenir avec lui.

Article 20 — La consécration de l’évêque ne pourra se faire que dans son église cathédrale par son métropolitain, ou, à défaut, par le plus ancien évêque de l’arrondissement de la métropole, assisté des évêques des deux diocèses les plus voisins, un jour de dimanche, pendant la messe paroissiale, en présence du peuple et du clergé.

Article 21 — Avant que la cérémonie de la consécration commence, l’élu prêtera, en présence des officiers municipaux, du peuple et du clergé, le serment solennel de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse qui lui est confié, d’être fidèle à la nation, à la loi et au Roi, et de maintenir de tout son pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi.

Article 22 — L’évêque aura la liberté de choisir les vicaires de son église cathédrale dans tout le clergé de son diocèse, à la charge par lui de ne pouvoir nommer que des prêtres qui auront exercé des fonctions ecclésiastiques au moins pendant dix ans. Il ne pourra les destituer que de l’avis de son conseil, et par une délibération qui y aura été prise à la pluralité des voix, en connaissance de cause.

Article 23 — Les curés actuellement établis en aucunes églises cathédrales,, ainsi que ceux des paroisses qui seront supprimées pour être réunies à l’église cathédrale et en former le territoire, seront de plein droit, s’ils le demandent, les premiers vicaires de l’évêque, chacun suivant l’ordre de leur ancienneté dans les fonctions pastorales.

Article 24 — Les vicaires supérieurs et vicaires directeurs du séminaire seront nommés par l’évêque et son conseil et ne pourront être destitués que de la même manière que les vicaires de l’église cathédrale.

(les curés)

Article 25 — L’élection de curés se fera dans la forme prescrite, et par les électeurs indiqués dans le décret du 22 décembre 1789, pour la nomination des membres de l’assemblée administrative du district.

Article 26 — l’assemblée des électeurs, pour la nomination aux cures, se formera tous les ans à l’époque de la formation des assemblées de district, quand même il n’y aurait qu’une seule cure vacante dans le district; à l’effet de quoi les municipalités seront tenues de donner avis au procureur-syndic du district de toutes les vacances de cures qui arriveront dans leur arrondissement, par mort, démission ou autrement.

Article 27 — En convoquant l’assemblée des lecteurs, le procureur-syndic enverra à chaque municipalité la liste de toutes les cures auxquelles il faudra nommer.

Article 28 — l’élection des curés se fera par scrutins séparés pour chaque cure vacante.

Article 29 — Chaque électeur, avant de mettre son bulletin dans le vase du scrutin, fera serment de ne nommer que celui qu’il aura choisi, en son âme et conscience, comme le plus digne, sans y avoir été déterminé par dons, promesses, sollicitations ou menaces. Ce serment sera prêté pour l’élection des évêques comme pour celle des curés.

Article 30 — L’élection des curés ne pourra se faire ou être commandée qu’un jour de dimanche, dans la principale église du chef-lieu de district, à l’issue de la messe paroissiale, à laquelle tous les électeurs seront tenus d’assister.

Article 31 — La proclamation des élus sera faite par le président du corps électoral dans l’église principale, avant la messe solennelle qui sera célébrée à cet effet, et en présence du peuple et du clergé.

Article 32 — Pour être éligible à une cure, il sera nécessaire d’avoir rempli les fonctions de vicaire dans une paroisse ou dans un hôpital ou autre maison de charité du diocèse, au moins pendant cinq ans.

Article 33 — Les curés dont les paroisses ont été supprimées en exécution du présent décret, pourront être élus, encore qu’ils n’eussent pas cinq années d’exercice dans le diocèse.

Article 34 — Seront pareillement éligibles aux cures tous ceux qui ont été ci-dessus déclarés éligibles aux évêchés, pourvu qu’ils aient aussi cinq années d’exercice.

Article 35 — Celui qui aura été proclamé élu à une cure, se présentera en personne à l’évêque, avec le procès-verbal de son élection et proclamation, à l’effet d’obtenir de lui l’institution canonique.

Article 36 — L’évêque aura la faculté d’examiner l’élu, en présence de son conseil, sur sa doctrine et ses mœurs; s’il le juge capable, il lui donnera l’institution canonique; s’il croit devoir lui refuser, les causes du refus seront données par écrit, signées de l’évêque et de son conseil, sauf aux parties le recours à la puissance civile, ainsi qu’il sera dit ci-après.

Article 37 — En examinant l’élu qui lui demandera l’institution canonique, l’évêque ne pourra exiger d’autre serment, sinon qu’il fait profession de la religion catholique, apostolique et romaine.

Article 38 — Les curé élus et institués prêteront le même serment que les évêques dans leur église, un jour de dimanche, avant la messe paroissiale, en présence des officiers municipaux du lieu, du peuple et du clergé. Jusque là ils ne pourront faire aucune fonction curiale.

Article 39 — Il y aura, tant dans l’église cathédrale que dans chaque église paroissiale, un registre particulier sur lequel le secrétaire-greffier de la municipalité du lieu écrira, sans frais, le procès-verbal de la prestation de serment de l’évêque ou du curé, et il n’y aura pas d’autre acte de prise de possession que ce procès-verbal.

Article 40 — Les évêchés et les cures  seront réputés vacants jusqu’à ce que les élus aient prêté le serment ci-dessus mentionné.

Article 41 — Pendant la vacance du siège épiscopal, le premier, et à son défaut, le second vicaire de l’église cathédrale remplacera l’évêque, tant pour ses fonctions curiales que pour les actes de juridiction qui n’exigent pas le caractère épiscopal; mais en tout il sera tenu de se conduire par les avis du conseil.

Article 42 — Pendant la vacance d’une cure, l’administration de la paroisse sera confiée au premier vicaire, sauf à y établir un vicaire de plus, si la municipalité le requiert; et dans le cas où il n’y aurait pas de vicaire dans la paroisse, il y sera établi un desservant par l’évêque.

Article 43 — Chaque curé aura le droit de choisir ses vicaires, mais il ne pourra fixer son choix que sur des prêtres ordonnés ou admis pour le diocèse par l’évêque

Article 44 — Aucun curé ne pourra révoquer ses vicaires que pour des causes légitimes, jugées telles par l’évêque ou son conseil.

TITRE III — Du TRAITEMENT DES MINISTRES DE LA RELIGION

Article 1 — Les ministres de la religion exerçant les premières et les plus importantes fonctions de la société, et obligés de résider continuellement dans le lieu du service auquel la confiance des peuples les a appelés, seront défrayés par le nation.

Article 2 — Il sera fourni à chaque évêque, à chaque curé et aux desservants des annexes et succursales, un logement convenable, à la charge par eux d’y faire toute les réparations locatives, sans entendre rien innover, quant à présent, à l’égard des paroisses où le logement des curés est fourni en argent, et sauf aux départements à prendre connaissance des demandes qui seront formées par les paroisses et par les curés, il leur sera, en outre, assigné à tous le traitement qui va être réglé.

Article 3 — Le traitement des évêques sera, savoir : pour l’évêque de Paris, de cinquante mille livres; pour les évêques des villes dont le population est de cinquante mille âmes et au-dessus de vingt mille  livres; pour les autres évêques, de douze mille livres.

Article 4 —  Le traitement des vicaires des églises cathédrales sera, savoir : à Paris, pour le premier vicaire, de six mille livres; pour le second, de quatre mille livres: pour tous les autres vicaires, de trois mille livres.
Dans les villes dont la population est de cinquante mille âmes et au-dessus : pour le premier vicaire, de quatre mille livres, pour le second, de trois mille livres; pour tous les autres, de deux mille livres.
Dans les villes dont la population est de moins de cinquante mille âmes : pour le premier vicaire, de trois mille livres, pour le second, de deux mille quatre cent livres, pour tous les autres de deux mille livres.

Article 5 — Le traitement des curés sera, savoir : à Paris de six mille livres.
Dans les villes dont la population est de cinquante mille âmes, et au dessus, de quatre mille livres.
Dans celles dont la population est de moins de cinquante mille âmes et de plus de dix mille âmes, de trois mille livres.
Dans les villes et bourgs dont la population est au dessous de dix mille âmes et au dessus de trois mille âmes, de deux mille quatre cents livres.
Dans toutes les autres villes et bourgs et dans les villages, lorsque la paroisse offrira une population de trois mille âmes et au dessous, jusqu’à deux mille cinq cents, de deux mille livres; lorsqu’elle en offrira une de deux mille cinq cents âmes jusqu’à deux mille, de dix-huit cents livres; lorsqu’elle en offrira une de moins de deux mille et de plus de mille, de quinze cents livres; et lorsqu’elle en offrira une de mille âmes et au-dessous, de douze cents livres.

Article 6 — le traitement des vicaires sera, savoir : à Paris, pour le premier vicaire, de deux mille quatre cents livres; pour le second, de quinze cents livres; pour tous les autres de mille livres.
Dans les villes dont la population est de cinquante mille âmes et au dessus, pour le premier vicaire, de douze cents livres; pour le second, de mille livres, et pour tous les autres, de huit cents livres.
Dans toutes les autres villes et bourgs où la population sera de plus de trois mille âmes, de huit cents livres pour les deux premiers vicaires et de sept cents livres pour tous les autres.
Dans toutes les autres paroisses de ville et de campagne, de sept cents livres pour chaque vicaire.

Article 7 —  Le traitement en argent des ministres de la religion leur sera payé d’avance, de trois mois en trois mois, par le trésorier du district, à peine par lui d’y être contraint par corps sur simple sommation; et dans le cas où l’évêque, curé ou vicaire, viendrait à mourir ou à donner sa démission avant la fin du dernier quartier, il ne pourra être exercé contre lui, ni contre ses héritiers, aucune répétition.

Article 8 — Pendant la vacance des évêchés, des curés et de tous offices ecclésiastiques payés par la nation, les fruits du traitement qui y est attaché seront versés dans la caisse du district, pour subvenir aux dépenses dont il va être parlé.

Article 9 — Les curés qui, à cause de leur grand âge ou de leurs infirmités, ne pourraient plus vaquer à leurs fonctions, en donneront avis au directoire du département, qui, sur les instructions de la municipalité et de l’administration du district, laissera à leur choix, s’il y a lieu, ou de prendre un vicaire de plus, lequel sera payé par la nation sur le même pied que les autres vicaires, ou de se retirer avec une pension égale au traitement qui aurait été fourni au vicaire.

Article 10 — Pourront aussi les vicaires, aumôniers des hôpitaux, supérieurs des séminaires, et autres exerçant des fonctions publiques, en faisant constater leur état de la manière qui vient d’être prescrite, se retirer avec une pension de la valeur du traitement dont il jouissent, pourvu qu’il n’excède pas la somme de huit cents livres.

Article 11 — La fixation qui vient d’être faite du traitement des ministres de la religion, aura lieu à compter du jour de la publication du présent décret, mais seulement pour ceux qui seront pourvus, par la suite, d’office ecclésiastiques. A l’égard des titulaires actuels, soit ceux dont les offices ou emplois sont supprimés, soit ceux dont les titres sont conservés, leur traitement sera fixé par un décret particulier.

Article 12 — Au moyen du traitement qui leur sera assuré par la présente constitution, les évêques, les curés et leurs  vicaires exerceront gratuitement les fonctions épiscopales et curiales.

TITRE IV — De la LOI DE LA RESIDENCE

Article 1 — La loi de la résidence sera religieusement observée, et tous ceux qui seront revêtus d’un office ou emploi ecclésiastique y seront soumis sans aucune exception ni distinction.

Article 2 — Aucun évêque ne pourra s’absenter chaque année pendant plus de quinze jours consécutifs hors de son diocèse, que dans le cas d’une véritable nécessité, et avec l’agrément du directoire de département dans lequel son siège sera établi.

Article 3 — Ne pourront pareillement les curés et les vicaires s’absenter au lieu de leurs fonctions au-delà du terme qui vient d’être fixé, que pour des raisons graves; et même en ce cas, seront tenus les curés d’obtenir l’agrément, tant de leur évêque, que du directoire de leur district, les vicaires, la permission de leurs curés.

Article 4 — Si un évêque ou un curé s’écartait de la loi de la résidence, la municipalité du lieu en donnerait avis au procureur-général-syndic du département, qui l’avertirait par écrit de rentrer dans son devoir, et, après la seconde monition, le poursuivrait pour le faire déclarer déchu de son traitement pour tout le temps de son absence.

Article 5 — Les évêques, les curés et les vicaires ne pourront accepter de charges, d’emplois ou de commissions qui les obligeraient de s’éloigner de leurs diocèses ou de leurs paroisses, ou qui les enlèveraient aux fonctions de leur ministère; et ceux qui en sont actuellement pourvus, seront tenus de faire leur option dans le délai de trois mois, à compter de la notification qui leur sera faite du présent décret, par le procureur-général-syndic de leur département, sinon, et après l’expiration de ce délai, leurs office sera réputé vacant, et il leur sera donné un successeur en la forme ci-dessus prescrite.

Article 6 — Les évêques, les curés et les vicaires pourront, comme citoyens actifs, assister aux assemblées primaires et électorales, y être nommés électeurs, députés aux législatures, élus membres du conseil général de la commune et du conseil des administrations des districts et des départements; mais leurs fonctions sont déclarées incompatibles avec celles de maire et autres officiers municipaux, et de membres des directoires de district et de département; et s’ils étaient nommés, ils seraient tenus de faire leur option.

Article 7 — L’incompatibilité mentionnée à l’article 6 n’aura d’effet que pour l’avenir, et si aucuns évêques, curés ou vicaires ont été appelés par les vœux de leurs concitoyens aux offices de maire et autres municipaux, ou nommés membres des directoires de district et de département, ils pourront continuer d’en exercer les fonctions.

2. Réactions à la Constitution Civile du Clergé.

Les réactions des catholiques, clergé et fidèles, à la Constitution Civile du clergé ne sont ni immédiates ni unanimes : Certains n’y voient que les réformes nécessaires pour faire disparaître les abus existants, sans penser à ceux qui sortiront de ce bouleversement, d’autres approuvent un texte dont ils se sentent bénéficiaires, beaucoup se laissent entraîner par le courant factice d’enthousiasme et d’attendrissement qui entoure tous les actes de la Constituante, même les plus anodins, quelques uns approuvent la séparation d’avec Rome ; les religieux, si ils n’ont pas de fonction officielle, ne sont pas tenus au serment, mais certains le prêtent volontairement, d’autres font part de leur opposition.
Très vite, cependant, les évêques, comme un certain nombre de prêtres, font ressortir ce que cette loi à de pervers et de schismatique. C’est ainsi qu’à la fin d’octobre 1790 Monseigneur de Boisgelin publie une brochure dans laquelle il démontre le caractère schismatique de cette loi tout en insistant pour que les catholiques multiplient les concessions afin de “sauvegarder l’unité du culte et l’enseignement de la foi”. Cent quarante-deux évêques appuient de leur signature ce texte que de nombreux curés et la moitié des députés ecclésiastiques font leur.
Au fur et à mesure que paraissent les écrits des opposants à la loi, la résistance se fait de plus en plus sentir dans une grande partie du clergé ; c’est alors, que voulant imposer sa réforme l’Assemblée adopte la loi sur le serment. Le texte du serment demandé est vague et équivoque “Je jure de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse (ou de la paroisse) qui m’est confié ; d’être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée et acceptée par le Roi”.
Si on peut envisager qu’il est licite de jurer de remplir les charges de ses fonctions sacerdotales et d’être fidèle au Roi et à la Nation, en est-il de même du maintien de la constitution ? D’abord de quelle constitution s’agit-il ?  Celle du royaume n’est pas encore complètement votée ; s’agit-il donc de la Constitution civile du clergé ? Cette ambiguïté permet de jeter la suspicion sur ceux qui n’accepteraient pas la nouvelle organisation de l’Eglise en France et, partant, de faire croire que le clergé veut maintenir privilèges et abus.
Les évêques, les théologiens, et les prêtres des villes qui ont suivis la discussion de près savent ce qui est en jeu et c’est en toute connaissance de cause, dans le droit fil de leurs opinions gallicanes ou par ambition, que certains se lancent dans le courant constitutionnel.
Pour les prêtres des campagnes les prises de position sont moins faciles ; beaucoup plus isolés, ils ne connaissent de la loi et de son contexte que ce qu’en colportent les on-dit ; on les assure qu’il ne s’agit que d’une promesse de fidélité aux lois et aux engagements de leur sacerdoce, que les abus sont supprimés, que le sort des modestes desservants sera amélioré, que le Roi a signé la loi. Par ailleurs, ils reçoivent des mandements de leur évêque contre les jureurs et les intrus, à cela on leur fait remarquer que si les évêques sont opposés à cette loi c’est uniquement à cause de la perte de leurs bénéfices. Plusieurs prêtres pensent que refuser le serment va les faire chasser et laisser la place à des intrus qui détruiront tout ce qu’ils ont eu tant de peine à édifier chez leurs paroissiens. Certains se laissent ainsi entraîner à accepter le serment, d’autres, mieux informés, le refusent.
Si la quasi totalité des évêques refusent le serment (7 évêques jureurs sur 160), le clergé dans l’ensemble, se partage à peu de chose près par moitié. L’influence plus ou moins grande de l’évêque sur ses prêtres, du curé sur ses vicaires, de théologiens, fait que selon les diocèses et les paroisses les pourcentages de jureurs et de réfractaires sont très variables. Certains cependant prêtent le serment demandé mais exigent que soit inscrit au procès-verbal qu’ils en excluent tout ce qui est contraire à la religion ou à la discipline ecclésiastique ; cette rétractation est souvent acceptée par les autorités locales mais refusée par les directoires départementaux, ces prêtres rejoignent alors immédiatement les rangs des réfractaires. D’autres prêtres ne sont ni jureurs, ni réfractaires, ne se présentant pas à la cérémonie de prestation du serment.
Quand, en dépit de l’action des prêtres constitutionnels et des pouvoirs publics, sont connus les brefs pontificaux sur le serment, de très nombreux prêtres, qui avaient crû pouvoir le prêter, se rétractent très officiellement devant les autorités civiles.
Le refus de serment entraîne automatiquement l’expulsion du prêtre réfractaire et son remplacement par un prêtre assermenté. Mais la population refuse la plus part du temps le prêtre constitutionnel, il faut alors faire appel à la force publique pour l’installer dans une église qui restera dès lors pratiquement vide.
Le prêtre réfractaire, lui, continue alors son ministère dans des lieux de fortune où se presse la foule des fidèles ; parfois les relations entre les deux prêtres ne sont pas trop mauvaises et le prêtre constitutionnel prête son église à son prédécesseur.
La pression s’accentuant, les réfractaires sont obligés de quitter leur paroisse : un certain nombre prend le chemin de l’émigration (certains de ces prêtres joueront un rôle important dans le développement du catholicisme au USA et en Angleterre), d’autres se cachent à proximité pour pouvoir continuer leur ministère auprès de leurs paroissiens, d’autres se retirent dans leur famille ou rejoignent une ville où il est plus facile de se cacher et en particulier Paris ; ils demandent alors asile à leur ancien séminaire (Saint-Sulpice, St Firmin) ou se regroupent dans des pensions meublées du voisinage, d’autres enfin plongent dans la clandestinité et, changeant fréquemment de cachette, assurent leur ministère dans toute une région (des évêques organiseront ces missions donnant mêmes des directives et des conseils sur les déguisements à adopter).

3. Les explications de Mgr Valdrini
La Constitution civile du clergé et les serments

Le 24 août 1790, Louis XVI sanctionnait le décret sur la constitution civile du clergé précédemment voté par la Constituante le 12 Juillet. Les débats avaient été difficiles. Ils portaient sur le rapport d’un « Comité ecclésiastique » chargé des questions religieuses, composée de membres acquis aux idées du gallicanisme politique et du gallicanisme ecclésiastique. A cette époque, les relations entre l’Eglise et l’Etat étaient encore affectées par les difficultés nées de la déclaration de 1682, dite « des quatre articles », texte qui manifestait le développement d’une crise commencées avec la Pragmatique sanction de Bourges (1438) et mal réglée par le concordat de Bologne (1516) qui, pourtant, avait cherché à apaiser les tensions dues à certaines de ses dispositions. Le gallicanisme des parlements et, à sa manière, le gallicanisme ecclésiastique affirmaient la liberté de l’Eglise de France par rapport au Pape et garantissaient l’indépendance de l’Eglise de France. A ces deux courants, s’ajoutait le non moins important mouvement aristocratique, adversaire farouche des inégalités et des privilèges, qui explique l’un des principes essentiels de la Constitution civile du clergé : la soumission de l’Eglise de France non plus au roi comme le voulait l’Eglise gallicane mais au peuple et à la nation.

Les quatre titres de la constitution civile du clergé atteignent la juridiction du Pape, par conséquent la souveraineté de l’Eglise sur le territoire français.

En dépit de la compétence exclusive revenant au Saint-siège pour supprimer et ériger les diocèses, le titre I décide la transformation unilatérale des circonscriptions ecclésiastiques, en faisant concorder avec la carte administrative la nouvelle délimitation des diocèses qui, de ce fait, passent de 128 à 83. On détermine les règles à suivre pour répartir les cures. On supprime les chapitres et, en se référant à ce que l’on évoque de l’Eglise primitive, on lie exagérément l’évêque au synode diocésain, on l’entoure d’un conseil délibératif composé de vicaires épiscopaux jouissant d’une grande stabilité et, contrairement à la pratique de l’Eglise, on limite abusivement l’exercice de son gouvernement.

Le titre II concerne la nomination aux offices ecclésiastiques dont la provision se fait « par la voie du scrutin et à la pluralité absolue des suffrages« , le droit de vote étant d’ailleurs donné à tous citoyens indépendamment de sa religion. L’élection du candidat à l’office épiscopal est faite par l’assemblée départementale et l’élection à l’office curial par l’assemblée de district, en application de principes démocratiques qui visent à écarter l’intervention du Pape. De fait, l’institution de l’évêque à la suite de son élection vient du métropolitain qui lui remet crosse et anneau. Selon l’article 20, l’évêque ne pourra s’adresser au Pape pour obtenir confirmation de sa charge. Il pourra seulement lui écrire « comme chef visible de l’Eglise universelle et en témoignage de l’unité de foi et de communion qu’il est dans la résolution d’entretenir avec lui« .

Le titre III tire la conséquence de la mise des biens du clergé à la disposition de la Nation pour faire de celui-ci un corps de fonctionnaires publics rémunérés par un budget des cultes créé le 14 avril 1790.

Le titre IV soumet les demandes de dispense d’obligation de résidence au directoire du département pour l’évêque, et au directoire du district pour le curé.

Les quatre titres de la constitution sont la conséquence d’une décision unilatérale d’organiser une Eglise d’Etat ou Eglise nationale soumise uniquement au pouvoir appartenant à la nation ou à ses représentant. L’obligation adressée à tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics, dès le 27 novembre 1790, de prêter un serment de fidélité civique « à la nation, à la loi, au roi » permet d’apprécier le caractère irrémédiable de cette volonté politique. On permet que soit conservée la profession de foi en la religion catholique apostolique et romaine, mais on veut que le lien d’obéissance du clergé ne lie plus les évêques au Pape ou les curés à leur évêque. Le évêques qui prêteront le serment, écriront, à ce sujet, que ce qui échappe à la doctrine de la foi et à l’administration des sacrements « intéresse la tranquillité publique et, de droit naturel, est soumis à la puissance qui fait  les lois et qui les change suivant les temps, les lieux et les personnes ». Evêques et curés doivent être liés à la Constitution civile du clergé élaborée par l’assemblée et être responsables devant la nation.
L’obligation du serment, sanctionnée par Louis XVI le 26 décembre 1790, eut pour effet de créer deux églises rivales, l’une, constitutionnelle, faite de membres du clergé ayant accompli l’obligation de jurer (dont six évêques seulement parmi lesquels Talleyrand et Gobel), de nouveaux évêques illégitimement élus et consacrés et de ceux qui les suivirent, l’autre, dite réfractaire, continuant son activité avec un clergé ayant refusé, dès l’origine de prêter le serment ou de membres d’abord assermentés puis ralliés. Dans ses brefs ”Quod aliquantum”  du 10 mars et ”Charitas”  du 13 avril 1791, le Pape Pie VI condamnera tardivement mais formellement la Constitution civile et ses principes (les évêques députés à l’assemblée nationale avaient déjà mis à jours ces principes dans leur « Exposition des principes de la Constitution civile du clergé » du 30 octobre 1790), consacrant ainsi le caractère schismatique de l’Eglise constitutionnelle et aussi comme le veut la tradition de l’Eglise catholique, en matière pénale, ouvrant la porte à la réconciliation de ceux qui avaient ou allaient adhérer au schisme. Il est vrai qu’étaient difficiles à condamner en bloc tous ceux qui, par leur serment, avaient manifesté publiquement cette adhésion, tant le mouvement des idées et les passions étaient confus et les enjeux lourds de conséquences.
Le clergé resté fidèle à l’Eglise catholique, payera cher son appartenance à celle-ci, vérifiable par sa non soumission à l’obligation de prêter le serment. Deux décrets de la Constituante, le 7 mai 1791 et le 14 août 1792, condamnant à la déportation les réfractaires et établissant un nouveau serment pour les ecclésiastiques non fonctionnaires, inaugureront le début de la persécution.

Patrick Valdrini
Ancien Recteur de l’Institut Catholique de Paris

In : “1792 Les massacres de septembre (Les Carmes, l’Abbaye, Saint-Firmin)” catalogue raisonné de l’exposition. Paris 1992

4. Loi du 26 mai 1792
sur la déportation des prêtres insermentés

1°/ La déportation, l’exportation forcée des prêtres insermentés aura lieu comme mesure de police

2°/ Seront considérés comme prêtres insermentés tous ceux qui, assujétis au serment prescrit par la loi du 26 décembre 1790, c’est-à-dire tous les évêques, curés, vicaires et prêtres enseignants, ne l’auraient pas prêté; ceux aussi qui n’étant pas soumis à cette loi, n’ont pas prêté le serment civique, postérieurement au 3 septembre; ceux enfin qui auraient rétracté l’un ou l’autre serment.

3°/ Lorsque vingt citoyens actifs du même canton se réuniront pour demander la déportation d’un ecclésiastique non assermenté, le directoire du département sera tenu de prononcer la déportation, si l’avis du district est conforme à la pétition.

4°/ Lorsque l’avis du directoire du district ne sera pas conforme à la pétition, le directoire du département sera tenu de faire vérifier, par des commissaires, si la présence de l’ecclésiastique dénoncé nuit à la tranquillité publique; et sur l’avis des commissaires, s’il est conforme à la pétition, le directoire du département sera tenu de prononcer la déportation.

5°/ Dans le cas où un ecclésiastique non-assermenté, par des actes extérieurs aurait causé des troubles, les faits pourront être dénoncés au département par un ou plusieurs citoyens actifs, et après la vérification, la déportation sera pareillement prononcée.

6°/ Dans le cas où les citoyens actifs formant la pétition ne sauraient pas écrire, elle sera relue en présence d’un procureur syndic par le secrétaire du district.

7°/ Le département ordonnera aux ecclésiastiques sujets à la déportation, de se retirer, dans les vingt-quatre heures, hors des limites du district de leur résidence; dans les trois jours, hors des limites du département; et dans le mois hors du royaume.

8°/ L’ecclésiastique déclarera le pays étranger où il veut se retirer; il lui sera donné un passeport portant son signalement et trois livres par dix lieues, jusqu’à sa sortie du royaume.

9°/ S’il n’obéit pas, la gendarmerie sera requise de le transporter de brigade en brigade.

10°/ Ceux qui resteraient ou rentreraient dans le royaume après l’exportation prononcée, seront condamnés à la détention de 10 ans.

5. Histoire du Serment de Paris

par M.*** (Bossard, prêtre de Rennes, directeur du séminaire St Louis à Paris)
Paris chez tous les marchands de nouveauté 1791

Jureurs non jureurs
Notre-Dame 0 7
Séminaires 2 51
Univ. Théologie 0 13
Univ Arts 30 31
Non fonctionnaires 8 0
Curés de paroisse 13 26
Vicaires des Paroisses 34 90

2ème partie : Les Paroisses

Jureurs non jureurs
Fonctionnaires
Administrateurs, clercs des  sacrements, diacres et  sous-diacres d’office, trésoriers ,sacristains, prédicateurs
118 176
Non fonctionnaires 178 0
Moines 47
Inconnus 40
Diacres d’ordre 3
Sous-diacres d’ordre 4
Clercs 11
Laïcs 6 (dont 4 mariés)
Hôpitaux 21 (vicaires) 35
Chapelains 11
Inconnus 36
Aumoniers de bataillon 41