La béatification

  1. Qu’est-ce que la béatification ?
  2. L’histoire de ce procès
  3. La béatification
  4. Le problème des « différés »

1. Qu’est-ce que la béatification ?

Bienheureux et Saints dans l’Eglise. 

On appelle « bienheureux » ou « saint » un homme ou une femme qui, tout au long de sa vie, s’est efforcé d’imiter le Christ, de conformer sa vie à la volonté de Dieu. Tout être humain se trouve ainsi appelé à partager la vie même de Dieu, à se « sanctifier ».
A cette définition, répondent des millions de personnes, de toutes conditions, de tous âges, de tous pays.
Par la « BEATIFICATION » ou la « CANONISATION« , l’Eglise en choisit certains pour les donner en exemple et stimuler ainsi la vie chrétienne des fidèles. La béatification est l’acte par lequel une personne défunte est déclarée « bienheureux » et son culte public autorisé pour une région, un diocèse, un institut religieux. La canonisation inscrit une personne sur la liste officielle (canon) des sains, et étend son culte à l’Eglise tout entière.
Ces actes sont réservés au pape depuis le XII° siècle. Une véritable procédure s’est alors développée pour apprécier la vie, les œuvres et la réputation de sainteté d’une personne. L’oeuvre du cardinal Prosper Lambertini (le futur Benoît XIV) fut, dans ce sens prédominante. Les grands principes qu’il collationna dans son traité « De servorum Dei beatificatione et beatorum canonisatione » (1734-1738) furent substantiellement repris dans le code de droit canonique de 1917.
Sous le pontificat de Pie XI, les sciences historiques furent officiellement honorée par la création d’une section spécifique au sein de la congrégation romaine compétente en matière de canonisations. La cause des « Martyrs de Septembre » devança ces décisions. Leur cas jugé avec rigueur démontre la volonté des spécialistes de l’époque d’apprécier avec les instruments de la critique historique les causes anciennes où les témoins font défaut.
De nouvelles normes ont été promulguées le 25 janvier 1983, par le pape Jean-Paul II (Constitution apostolique « Divinus perfectionis Magister »). Elles donnent une place plus importante encore à l’enquête menée initialement par l’évêque diocésain.

Trois éléments sont constitutifs d’une cause de béatification ou de  canonisation :
– la sainteté manifestée par le martyre ou la pratique héroïque des vertus,
– la vérification de cette réputation de sainteté, par une enquête rigoureuse,
– la reconnaissance de la sainteté par le Magister de l’Eglise.
C’est donc la « réputation de sainteté » d’une personne qui est première : sa vie vertueuse, son amour du Christ jusqu’au don du sang (le martyre), des miracles qui peuvent être attribués à son intercession, le culte dont certains sont entourés depuis très longtemps. La « vox populi » a toujours été, dans l’Eglise, à l’origine du culte des saints. Depuis la dévotion des premiers chrétiens sur la tombe de leurs martyrs jusqu’au rayonnement des grandes figures spirituelles des temps modernes ou contemporains, il s’agit bien d’une initiative de tout un peuple – ou d’une partie du Peuple de Dieu – qui invite les pasteurs de l’Eglise à se prononcer.

Lorsque l’Eglise décide de vérifier cette renommée, elle « engage » la cause et confie à un « postulateur » la charge d’enquêter sur la vie d’un serviteur de Dieu. Le rôle de ce personnage est capital puisqu’il doit fournir un dossier complet et fortement argumenté en faveur de la cause de canonisation.

Il revient normalement à l’évêque du lieu où est mort le serviteur de Dieu de procéder à l’enquête diocésaine. Celle-ci a pour but essentiel de recueillir tous documents et témoignages possibles sur la vie du serviteur de Dieu. L’étude des écrits publiés, puis inédits (lettres, journal intime, etc…) est confiée à des experts théologiens. Il s’agit ici de prouver que dans ces textes il ne se trouve rien de contraire « à la foi et aux bonnes mœurs » ce qui, par voie de conséquence, pourrait constituer un obstacle à la cause. Bien sûr, la recherche des écrits non publiés appelle la compétence de spécialistes historiens et archivistes, tout particulièrement dans les causes anciennes pour lesquelles les témoins sont rares ou inexistants.

L’enquête se poursuit par l’interrogatoire des témoins présentés par le postulateur ou convoqués d’office. Leurs dépositions n’ont pour autre but que de « connaître la vérité sur la vie du serviteur de Dieu, sur ses vertus ou son martyre, sur sa renommée de sainteté ou de martyre » (Normes 15). Il est procédé à une enquête parallèle, mais analogue sur les miracles attribués au serviteur de Dieu.

Le martyre a toujours eu une place privilégiée puisqu’il s’agit d’une imitation du Christ jusque dans Sa Passion. Deux conditions essentielles sont alors retenues : d’une part la mort réelle et violente du serviteur de Dieu, d’autre part l’intention du persécuteur (« haine contre la foi ») et l’acceptation courageuse et spirituelle de la part du martyr.

Déterminante la deuxième étape de la cause se déroule, à Rome, au sein de la ”Congrégation pour les causes des saints”. Accompagnés de la « déclaration d’absence de culte » (décrets d’Urbain VII), les documents de l’enquête diocésaine sont confiés au dicastère compétent.
L’étude de la cause est alors confiée à un « rapporteur ». C’est lui qui prépare les différents documents de synthèse qui aideront à la décision finale : les « positiones ». Il s’agit de véritables dossiers documentaires extrêmement précis et complets. On rédige une « positio » pour chacun des grands « critères » de la béatification : martyre (s’il y a lieu), héroïcité des vertus, miracles.
Ces dossiers sont examinés par les experts de la Congrégation. Il s’agit de « consulteurs » théologiques ou d’historiens. Ce sont aussi des médecins (pour les miracles). Ces experts étudient tous les documents et se prononcent sur le fond de la cause.

L’avis des consulteurs permet à la réunion  (congrégatio) des cardinaux et évêques de statuer sur la reconnaissance du martyre ou de l’héroïcité des vertus. Il en va de même pour les miracles (il y a possibilité de dispense en cas de martyre). Chaque « reconnaissance » fait l’objet d’un décret de la Congrégation, approuvé par le Saint-Père : décret sur le martyre ou sur l’héroïcité des vertus, décret sur les miracles.

La décision de béatifier « appartient en dernier ressort au Pontife Romain » à qui seul revient de droit la décision sur le culte ecclésiastique qui peut être rendu à un “serviteur de Dieu »

Bienheureux » et pourquoi pas « saint » ?
Dans la décision finale du Saint-Père intervient un réel souci d’opportunité d’étendre ou non le culte et l’exemple de « bienheureux » à l’Eglise universelle. En soit, cela n’ajoute rien aux personnes qui, déjà, participent à la gloire e Dieu. Le plus important n’est-il pas de garder vivante la mémoire de eux qui ont désiré vivre dans l’amitié de Dieu d’un amour sans partage ?

J.-Michel Fabre

In : “1792 Les massacres de septembre (Les Carmes, l’Abbaye, Saint-Firmin)
catalogue raisonné de l’exposition. Paris 1992 pages 115 à 117

2. L’histoire de ce procès
Le contexte politique et religieux de la béatification

Une béatification, ou une canonisation, est d’abord un acte d’église et sa signification essentiellement religieuse : hommage rendu à un serviteur de Dieu, geste de piété, modèle proposé à la vénération et à l’imitation des fidèles. Mais aucune décision du Magistère, même la plus religieuse dans son inspiration et par ses effets, n’est entièrement détachée du contexte historique ni n’échappe complètement à une interprétation politique. Ainsi ce n’est pas par pur hasard si c’est au lendemain de la victoire de la France que Benoit XV proclame en 1920 la sainteté de Jeanne d’Arc et plus d’un bon esprit a pensé voir dans ce geste l’expression de son vœu d’une réconciliation entre le Saint-Siège et la République Française.
L’interférence entre le religieux et le politique est naturellement plus accusée quand une béatification concerne plusieurs personnes ; à plus forte raison si le seul dénominateur commun entre elles est d’avoir souffert la persécution d’un pouvoir politique mû par l’hostilité à l’encontre de l’Eglise. Reconnaître que des religieux ont été mis à mort “en haine de la foi”, c’est désigner leurs persécuteurs comme des ennemis de la vraie foi et il est inévitable que la postérité des persécuteurs voie dans l ’hommages rendu aux victimes une provocation : on l’a observé récemment encore à l’occasion de la béatification de martyrs vietnamiens.
Les intentions et les sentiments qui ont présidé à la béatification des martyrs de septembre 1792 et les réactions qui suivirent, illustrent parfaitement ces observations : la cérémonie d’octobre 1926 est la conclusion d’une histoire dont les rebondissements reflètent pour une partie les vicissitudes qui ont affecté alors les relations de l’Eglise de France et du Saint-Siège avec le gouvernement de la République, ainsi que les retournements de situation politique en France.
La chronologie est à elle seule révélatrice. C’est en 1901 que le Cardinal Richard, archevêque de Paris, engage la procédure en instituant le tribunal ecclésiastique qui a mission d’instruire la cause des martyrs de septembre 1792. 1901 : la guerre religieuse qui opposait depuis plus d’un siècle l’Eglise à la Révolution et divise profondément les Français, vient de se rallumer après l’échec du ralliement et la courte  trêve que caractérisait l”esprit nouveau” ; en cette année, le Parlement vote une loi sur les associations qui exclut du bénéfice de son inspiration libérale les congrégations religieuses, soumises à un régime fort restrictif. 1905 : tous les évêques de France s’associent à la requête en signant la lettre postulatoire. Or 1905 c’est le point culminant de la tension entre l’Eglise et la République, l’année de la Séparation qui abroge le Concordat et met fin à un siècle de relations entre la France et le Saint-Siège par un acte unilatéral. Ces événements ne peuvent que confirmer l’épiscopat français et le Vatican dans leur conviction que la Révolution est “l’origine de tous leurs malheurs”. Les catholiques demeurent dans leur grande majorité persuadés que les révolutionnaires étaient essentiellement mus par la volonté de déchristianiser la France. Ils souscriraient sans difficulté à l’affirmation de Clemenceau que la révolution est un bloc. Si leur requête en faveur de la béatification des victimes des septembriseurs est d’abord un geste de piété, c’est aussi le moyen de proclamer qu’il ne aurait y avoir le moindre accommodement entre la fidélité à l’Eglise et l’adhésion à l’esprit de 1789. Tous ou presque feraient leur la formule de Mgr d’Hulst, Recteur de l’Institut Catholique, préfaçant en 1892 la brochure qui relatait les cérémonies organisées précisément pour honorer la mémoire des martyrs des Carmes : “Si les continuateurs des Jacobins s’en donnent à cœur joie de célébrer à nos frais l’œuvre des bourreaux, on ne nous contestera pas, je pense le droit de penser aux victimes”.
Le préambule du décret par lequel en janvier 1916 la Sacrée Congrégation des Rites introduit la cause, reflète très exactement cet état d’esprit dans le jugement porté sur la Révolution : Il reprend sans la moindre réserve la thèse de l’école contre-révolutionnaire qui, à la suite de Joseph de Maistre et de Barruel, dénonçait dans la Révolution une entreprise d’inspiration satanique essentiellement dirigée contre l’Eglise : “Les troubles révolutionnaires qui, à la fin du XVIII° siècle, bouleversèrent cruellement la France, sous la spécieuse apparence d’un mouvement philosophique et social, manifestèrent surtout une haine féroce contre la véritable Eglise du Christ et contre ses ministres. Cela est démontré nettement par les paroles et les actes de ceux qui dirigeaient ces troubles et qui, au moyen de lois et de décrets, tentèrent, par un effort commun, d’arracher la foi catholique à cette très noble nation”.
Mais tandis que la procédure suit son cours ordinaire, de réunion en réunion — tenue, le 23 octobre 1923, d’une congrégation antépréparatoire, et deux ans plus tard, le 17 novembre 1925, d’une congrégation préparatoire — et qu’on s’achemine ainsi vers une décision propre à satisfaire la piété et la fidélité des requérants, le contexte s’est passablement modifié. La France est sortie victorieuse du conflit. Benoit XV, moins enclin à l’intransigeance et aux gestes de rupture que son prédécesseur, souhaite sincèrement une réconciliation avec la France. Un rapprochement s’est opéré : en mai 1921 ont été rétablies les relations diplomatiques. S’amorce un second ralliement qui sera plus heureux et plus durable que le premier. Le Vatican apprécie et appuie la politique extérieure de la France qui s’attache alors à instaurer un ordre juridique international et le nonce apostolique a publiquement exprimé la sympathie du Saint-Siège pour l’action Briand.
Or les rédacteurs du décret du 1er octobre 1926 qui conclut positivement, continuent de raisonner sur la lancée ; ils n’ont aucunement modifié leur jugement sur les événements de la Révolution ; la condamnation est peut être encore plus sévère.
“On ne pourra jamais assez déplorer ce noir et misérable fléau qui, à la fin du XVIII° siècle, caché sous le nom mensongeur de philosophie, avait perverti les esprits et corrompu les mœurs et rempli avant tout la France de meurtres et de ruines. L’âme est émue d’horreur au souvenir des inexprimables spectacles de cruauté et de barbarie qu’exhibèrent pendant la Révolution française des hommes impies et scélérats, à peine dignes du nom d’hommes : les temples sacrés dépeuplés, les signes sacrés de la religion catholique violés, des évêques, des prêtres, de pieux laïques immolés arbitrairement pour avoir refusé de prononcer une formule de serment décrétée par une puissance laïque ouvertement opposée aux droits de l’Eglise et à la liberté de conscience, ou pour s’être montrés moins bienveillants envers ces nouvelles institutions politiques ”. Ni le jugement, ni le style n’ont subi le moindre infléchissement depuis plus d’un siècle : c’est toujours la réthorique de l’anathème. Il est vraisemblable que le réveil de la querelle religieuse après la victoire, en mai 1924, de la majorité du Cartel des gauches qui avait inscrit à son programme la suppression de l’Ambassade au Vatican et la réactivation des lois laïques dont l’appliction était suspendue depuis l’Union sacré, n’a pas été étranger à ce raidissement, entretenant la conviction que les républicains étaient irrémédiablement des adversaires.
Mais depuis 1925, le gouvernement français avait , devant la mobilisation de l’opinion, renoncé à appliquer son programme anticlérical et, depuis juillet 1926, la France était gouvernée par une majorité de large union dont les défenseurs traditionnels des libertés religieuses faisaient à nouveau partie, sous la présidence de Raymond Poincaré, qui était assurément laïque mais nullement sectaire.
Il n’est pas surprenant que le gouvernement se soit ému de la portée que le texte de la Curie conférait à la béatification des victime de la justice populaire : à travers ces crimes n’était-ce pas l’œuvre même de la Révolution et de la démocratie qui étaient visées ? Aussi le Ministre des Affaires étrangères invite-t-il notre Ambassadeur à faire part au Cardinal Secrétaire d’Etat des réflexions suscitées par la “maladresse” de rédaction des lettres pontificales :  “La Révolution française n’est pas une terrible et misérable sédition” ; le fut-elle, il y avait encore lieu d’en parler avec précaution et ménagement parce qu’elle est un événement considérable de l’histoire de la France et de l’histoire du monde. Lorsqu’il s’agit de la réforme, le Saint-Siège prend plus de soin de ne pas  blesser les “Allemands non-catholiques et leurs princes” (dépêche du 27 novembre 1926)
Si la béatification a ainsi failli provoquer dans la presse une violente campagne anticléricale et envenimer les relations entre le Vatican et la France, le hasard des circonstances a créé une autre complication par l’apparente contradiction avec une autre crise. Les textes émanant de Rome paraissaient apporter la caution du Magistère aux thèses soutenues par les adversaires inconditionnels de  la Révolution regroupés autour de l’Action Française. Or, quand est rendue publique ma décision de béatification, Pie XI a engagé depuis peu le fer contre l’influence, qu’il juge pernicieuse, de cette école de pensée et mis les fidèles en garde contre ses théories. Les défenseurs de Maurras ont beau jeu d’opposer la condamnation des massacres à l’avertissement pontifical. D’où le trouble des fidèles et l’embarras des pasteurs. Recevant en audience privée la quinzaine d’évêques venus, sous la conduite du cardinal Luçon, archevêque de Reims, assister à la cérémonie de béatification, Pie XI et le cardinal Gasparri maintiennent sans variation la ligne e conduite tracée et insistent “d’une façon paternelle mais ferme sur la nécessité d’obéissance à ses directives”. Pie XI n’entend pas que l’hommage légitime rendu à des confesseurs de la foi serve à jeter le doute sur le sens de son intervention. C’est dire que certains des attendus qui étaient depuis le début du siècle les démarches étayaient depuis le début du siècle les démarches en faveur de la béatification ainsi que les commentaires qu’en proposaient les milieux de la Curie se trouvent brusquement caducs et que le Pape Pie XI a lui-même amorcé le mouvement qui conduira quelque soixante ans plus tard son successeur, Jean-Paul II, lors de son premier voyage en France, à déclarer : “Liberté, égalité, fraternité, ce sont là, dans le fond, des idées chrétiennes”, répudiant des interprétations par trop systématiques et prenant en compte le travail des historiens qui ont pu établir que la Révolution n’était pas un bloc et que les circonstances avaient eu autant de part à la rupture entre l’Eglise et la France renouvelée que les volontés déterminées. Il est de ce fait désormais possible de rendre à ceux qui ont versé leur sang pour la foi un hommage pur de toute arrière-pensée et qui réponde au vœu exprimé par certains des martyrs de pardonner aux bourreaux.

René Rémond
1792 Les Massacres de septembre (les carmes, l’Abbaye, Saint-Firmin)
catalogue raisonné de l’exposition de 1992

3. La béatification

Dès que furent connus les massacres, les fidèles considèrent les victimes comme des martyrs et recueillent leurs reliques, même au péril de leur vie comme c’est le cas pour Geneviève Barbe Goyon, couturière de 77 ans, qui habite rue Neuve Saint Etienne (rue Rollin actuelle, V° Arr) ; elle est mise en demeure d’expliquer au Comité de la Section des Sans-Culottes
« d’où lui provenaient ces précieuses reliques trouvées chez elle et dont la liste y était et dont il y en avait entre autre de M. Gros, Curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet et des autres martyrs des journées des 2 et 3 septembre ».
Elle est condamnée à mort le 22 floréal an 2 (11 mai 1794) par le Tribunal Révolutionnaire de Paris comme « Complice d’un complot tendant à fanatiser le peuple, à allumer la guerre civile et à anéantir le gouvernement républicain »
Tout au long du XIX° siècle les victimes sont considérées dans leurs paroisses comme martyrs de la foi et honorés comme telles. Plaques, statues, vitraux, leur sont consacrés. Aux Carmes, dès le rachat des bâtiments et du jardin, la mère de Soyecourt fait rechercher les reliques éventuelles, protège les marques de sang, érige une croix sur le puits qu’on lui dit être celui où ont été jeté les corps des martyrs des martyrs. Une chapelle est construite pour agrandir l’oratoire de la Vierge dans laquelle on appose des plaques, des vitraux. A la fin du siècle l’idée d’une béatification est de plus en plus répandue. C’est en 1901, sous l’impulsion de Monseigneur Richard, Archevêque de Paris, que la procédure est mise en route. Les travaux préparatoires commencent aussitôt par une recherche historique très rigoureuse. Une réunion annuelle fait le point de l’enquête. Le 16 janvier 1916 Benoît XV signe l’introduction de la Cause. En 1926 Pie XI décide de la béatification

DECRET PONTIFICAL
Sur le Martyre des Victimes de septembre 1792

Rome 1er Octobre 1926
Fête de saint Rémy, évêque de Reims

On ne pourra jamais assez déplorer ce noir et misérable fléau qui, à la fin du XVIII° siècle, caché sous le nom mensongeur de philosophie, avait perverti les esprits et corrompu les mœurs, et rempli avant toutla France de meurtres et de ruines. L’âme est émue d’horreur au souvenir  des inexprimables spectacles de cruauté et de barbarie qu’exhibèrent, pendant la révolution française, des hommes impies et scélérats, à peine dignes de ce nom d’hommes : les temples sacrés dépeuplés, les signes sacrés de la religion catholique violés, des évêques, des prêtres, de pieux laïques immolés arbitrairement, pour avoir refusé de prononcer une formule de serment décrétée par la puissance laïque et ouvertement opposée aux droits de l’Eglise, à la liberté de la conscience, ou pour s’être montrés moins bienveillants envers ces nouvelles institutions politiques.
Parmi tant de prêtres illustres et de chrétiens remarquables, qui durant cette noire tempête furent livrés à la mort, brille certes au premier rang cette insigne légion d’hommes, qui, à Paris, au mois de septembre 1792 furent immolés avec une souveraine injustice et une infâme barbarie. 213 d’entre eux ont paru digne d’être décorés comme de courageux soldats du Christ de l’honneur que l’Eglise a l’habitude de décerner à ses martyrs, et la cause de leur martyre a été déférée au Siège Apostolique. Leur mort fut exécutée au lieu même où ils étaient gardés prisonniers, c’est-à-dire au Couvent des Carmes pour 110 dont les noms suivent fidèlement transcrits 77 furent massacrés au Séminaire Saint-Firmin, savoir 23 serviteurs de Dieu parmi les prisonniers écroués à la prison de l’Abbaye Saint-Germain 3 également dans la prison appelée La Force.
    Les listes judiciaires établies et examinées devant le tribunal ecclésiastique de Paris par l’Autorité et de l’Ordinaire et du Siège Apostolique, sur le martyre et la cause du martyre, et les signes ou miracles, et leur forme légitime approuvée, une Congrégation Antépréparatoire fut tenue dans la demeure du Révérendissime Cardinal Vincent Vannutelli, Ponent de la Cause, le 23 octobre 1923 : il y fut traité du martyre, de la cause du martyre et des signes ou miracles de tous ces serviteurs de Dieu. L’Assemblée Préparatoire fut convoquée deux années après au Vatican dans la Salle des Congrégations le 15 novembre. Cette année courante, le 13 juillet, les Comices Généraux ont été célébrés devant Notre Très Saint-Père le Pape Pie XI : Le Cardinal Vannutelli y proposa à la discussion le doute
suivant :

“Conste-t-il du martyre, de la cause du martyre, et des signes ou miracles des susnommés 213 Serviteurs de Dieu ? »

Les suffrages des Révérendissimes Cardinaux et des Pères Consulteurs furent écoutés avec attention par le Très Saint Père ; il différa cependant l’expression de son sentiment ; il fut d’avis qu’il fallait prier Dieu et implorer une plus grande abondance de lumière divine dans une affaire si grave.
    Lorsque, tout bien pesé dans un examen mûr et sérieux, il fut décidé d’ouvrir sa pensée, il désigna ce jour présent où l’on célèbre le souvenir solennel de Saint-Rémy, évêque de Reims ; et, après avoir très dévotement offert l’Hostie de la Paix, il commanda d’appeler les Révérendissimes Cardinaux Antoine Vico, Evêque de Porto et de Sainte-Rufine, Préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, et Vincent Vannutelli, Evêque d’Ostie et de Préneste, Doyen du Sacré Collège et Ponent de la Cause, avec le R.P. Charles Salotti, Promoteur Général de la Foi, et moi Secrétaire soussigné, et séant sur le trône Pontifical, il édicta par un décret solennel : « Il est assez constant du martyre et de la Cause du Martyre de 191 des Vénérables Serviteurs de Dieu énumérés ci-dessus, pour qu’on puisse procéder aux formalités suivantes dans le cas et à l’effet dont il s’agit; quant aux autres 22 différés et que les preuves soient fortifiées. » Ce sont : François GUILLAUMOT – Jean, Charles LEBRETON – GUESDON prêtre – Pierre, Alexandre de LANGLADE – François, Louis LAUGER de LAMANON – Michel, Joseph LEMERCIER – Jean MASSIN – Jean-Marie MONGE – Louis PELLIER – Augustin PORLIER – Louis, François ROSE – Jean, César ROSTAING – Joseph, Martial TEXIER – Jean, Joseph THIERRY – Joseph VOLONDAT – Antoine, Claude, Auguste BEAUPOIL de Saint AULAIRE – Salvator COSTA – Jacques FANGOUSSE DE SARTRET – Marie, Antoine, Philippe FAUCONNET – Guillaume VIOLARD – Thomas, Pierre, Antoine de BOISGELIN – le prêtre MARTIN.
    
    Et il ordonna que le décret soit de droit public et inséré dans les Actes de la Sacrée Congrégation des Rites, le jour des Kalendes d’Octobre de l’année 1926

A.Card. VICO
Portuen et S.Rufine, S.R.C. Prefectus
Angelus Mariani, S.R.C. Secretarius

4. Le problème des « différés »

Le décret de béatification des martyrs de septembre 1792 à Paris en a différé 22 d’entre eux « jusqu’à ce qu’il soit plus informé et que les preuves soient fortifiées ».  Mais le pape n’a pas précisé quelles étaient les preuves insuffisantes.
Pour quelques uns c’est probablement leur identité qui est pas certaine, mais très certainement pour la plus part c’est la preuve de la mort qui manque.
L’Association du souvenir des Martyrs a dans ses buts la réouverture  de leur procès. Pour cela elle a besoin de l’aide de tous, famille ou chercheurs, pour trouver les documents qui peuvent apporter les éléments de décision, en particulier les actes notariés de liquidation des successions
Elle leur sera reconnaissante de lui faire parvenir le fruit de leurs recherches soit à son adresse
70 rue de Vaugirard 75 006 Paris, soit à son adresse e-mail :

Il s’agit de :

Antoine, Claude, Auguste BEAUPOIL de SAINT AULAIRE,
Thomas Pierre de BOISGELIN de KERDRU,
Salvatore COSTA,
Jacques FANGOUSSE de SARTRET,
Marie, Antoine Philippe FAUCONNET,
Jean-Baptiste GUESDON,
François GUILLAUMOT,
Pierre, Alexandre de LANGLADE du CHEYLA,
François, Louis LAUGIER de LAMAMON,
LEBRETON ou BRETON
Jean MASSIN,  
Jean, Marie MONGE,  
Louis PELLIER,
Augustin PORLIER,
Louis, François ROSE,
Antoine, Jean, César ROSTAING,
Jean, Joseph THIERRY,
Guillaume VIOLARD,
Joseph VOLONDAT